jeudi 9 janvier 2014

Dieudonné: quand un humoriste bascule


PARCOURS DE DIEUDONNÉ



Dieudonné en 2001, alors que tout était encore calme.

Naguère considéré comme l'un des meilleurs comiques de sa génération, Dieudonné dont le spectacle taxé d'antisémitisme a été interdit dans plusieurs villes de France a basculé il y a dix ans dans un autre monde, où se côtoient négationnistes, assassins et terroristes.

La métamorphose éclate au grand jour à la télévision, en 2003, quand le «showman» conclut par un salut nazi un sketch raté pour lequel il s'était déguisé en juif extrémiste. Ce dérapage provoque une tempête de réactions et de plaintes.

«Sans cette campagne virulente contre lui, Dieudonné ne se serait pas engagé dans ce cycle de contestation», assure Pierre Panet, un proche de l'artiste. «Dieudo ne pouvait pas désarmer. Il fonctionne comme ça: puisque vous m'avez cherché, vous allez me trouver».

«La seule passion qui l'anime, ce n'est pas la haine du juif, c'est l'amour de soi», dit de Dieudonné un homme qui a récemment travaillé avec lui avant de couper les ponts. «Ce qu'il dit encourage l'antisémitisme mais lui ne dit ça que pour exister, c'est le chef d'une secte», assène-t-il.

Ascension vers la controverse
Dieudonné M'bala M'bala, 47 ans, est né dans la région parisienne d'un père camerounais expert-comptable et d'une mère française sociologue.

De son enfance, il se rappelle le racisme. «Ma grand-mère maternelle nous était hostile et a fini par nous accepter», expliquait-il en 2001, ajoutant que ses camarades d'écoles «s'amusaient à l'appeler Bamboula».

Il rencontre au lycée Elie Semoun, un autre humoriste d'origine juive avec lequel il se produit. Dans les années 90, le duo connaît un succès rapide. Ses pairs reconnaissent son talent, depuis Guy Bedos qui le trouve «très doué et très drôle», à Jamel Debbouze qui le qualifie de «meilleur d'entre nous».

Mais une réputation d'homme susceptible et cupide lui vaut des inimitiés.

L'argent a été «une source de fâcheries avec beaucoup de nos amis», a confié Elie Semoun.

Progressivement, son discours se fait politique. Un «déclic» qu'il situe en 1995 après le meurtre d'un Français d'origine comorienne par des militants d'extrême droite. En 1997, il se présente à une élection législative face au Front national et recueille 7,74%. Il veut même se présenter à la présidentielle de 2002 mais renonce finalement faute de parrainage.

Entre-temps, des propos dans la presse choquent: en 2002, il dit des «juifs» qu'ils forment une «secte, une escroquerie», de Ben Laden qu'il «inspire le respect».

Il cultive des amitiés particulières: avec le négationniste Robert Faurisson, le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen, l'ancien chef d'État iranien Ahmadinejad (Téhéran a cofinancé son film, L'antisémite), ou le footballeur Nicolas Anelka qui célèbre un but en effectuant une «quenelle», ce geste devenu le point de ralliement à la communauté Dieudonné.

Il y a aussi tous ses fans anonymes qui remplissent les salles et se jettent sur ses vidéos. 490 000 personnes «aiment» sa page Facebook. Il a gagné 50 000 «like» en une semaine depuis que le ministre de l'Intérieur veut l'interdire. Sa réponse à Manuel Valls sur Youtube a été vue trois millions de fois.

Blanchissement d’argent?
Condamné neuf fois pour ses dérapages verbaux, Dieudonné refuse de payer ses 65 000 euros d'amendes (près de 100 000 dollars) et risque théoriquement la prison.

La justice enquête depuis près d'un an sur des mouvements financiers suspects autour de ses comptes et le soupçonne, via ses proches, de blanchir son argent en l'expédiant au Cameroun.

Il connaît le milieu carcéral: en juillet, à celle de Poissy, il était témoin d'un des premiers mariages homosexuels célébrés en prison, entre un tueur en série et l'auteur d'un quadruple meurtre. L'autre témoin: son ami le terroriste Carlos.




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