lundi 13 janvier 2014

La mafia calabraise menace-t-elle le pape ?

 

Le procureur adjoint de Reggio de Calabre, Nicola Gratteri, et le juge anti-mafia de Naples, Raffaele Cantone, ont récemment mis en garde contre l’éventualité d’un attentat contre le pape François par la mafia calabraise ‘Ndrangheta, du fait du « nettoyage » que ce dernier a entrepris au sein de certaines structures financières de l’Église.
Pour Stéphane Quéré, criminologue au département de recherches sur les menaces contemporaines (université Paris II) et auteur de « La ‘Ndrangheta » (1), la mafia calabraise n’a pas intérêt à s’en prendre au pape.
 
« Il semble difficile que la ‘Ndrangheta se lance dans une opération aussi périlleuse. Car, si elle commettait un attentat contre le pape, cela aurait des conséquences très graves à trois niveaux. D’abord, parce qu’elle devrait se préparer à de sévères représailles de l’État italien. Certes, il y a eu les attentats du 28 juillet 1993 par Cosa Nostra (mafia sicilienne) contre la basilique de Saint-Jean-de-Latran (la cathédrale du pape) et contre Saint-Georges-de-Vélabre.
Mais ce double attentat, qui se voulait un avertissement à Jean-Paul II, deux mois après ses discours contre la mafia en Sicile, n’avait pas fait de victimes. Et puis, on se situait alors dans un autre contexte, marqué par les dérives terroristes de Cosa Nostra et les assassinats, en 1992, des juges siciliens ­ Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. De plus, ‘Ndrangheta a toujours été moins violente que Cosa Nostra et ne s’en est jamais prise directement à une institution.
Seconde conséquence d’un éventuel attentat : une perte d’image au sein de la population italienne profondément catholique. Ainsi, plus de 80 000 personnes ont assisté en mai dernier, à Palerme, à la béatification de Giuseppe « Pino » Puglisi, qui avait ouvert dans le quartier mafieux du Brancaccio, en plein Palerme, un centre d’accueil pour jeunes, ce qui n’avait pas plu à la mafia, qui l’avait fait assassiner en septembre 1993. À la suite de ce meurtre, un des tueurs s’est repenti et est revenu vers la foi.
La ‘Ndrangheta est composée de clans familiaux calabrais et il n’est pas rare de trouver dans une même famille trois mafieux et un prêtre. En Calabre et en Sicile, les prêtres de terrain sont proches de leurs ouailles… En ce sens, on peut dire que l’Église et la mafia coexistent. Sans parler de certains membres de la hiérarchie vaticane qui ont pu être considérés comme responsables de blanchiment d’argent… Enfin, un tel attentat provoquerait des divisions au sein même de ‘Ndrangheta et amènerait sûrement des membres à se tourner vers la police, comme en 1993. »
RECUEILLI PAR CLAIRE LESEGRETAIN 
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