Manifestement, la nouvelle année n'a pas produit de changement dans la dynamique de la
couverture médiatique des affaires de
La Belle Province... Dur retour au travail
en fait. Pendant la période des fêtes, on met la pédale douce sur les sujets qu'on taxe de
divisif,
la radio publique passe en mode festif, les auditeurs sont tout éparpillés, on met le monde sur pause. Personne ne s'en plaindra.
Retour à la grille normale, retour des collaborateurs habituels, on passe au mode
full opérationnel, tout le monde est prêt à faire feu. Dans la
ligne de tir, toujours les mêmes. Ce n'est pas deux petites semaines de
break qui changeront la direction de la mire! Les adversaires demeurent les mêmes.
« Il y a actuellement une fausse neutralité à Radio-Canada... », a déclaré
Lise Payette au Franc-Tireur Benoit Dutrizac le 8 janvier. Venant de cette
grande dame
qui connait très bien les jeux de coulisse de la Grande Tour et du
diffuseur public en général, ces paroles sont lourdes de sens.
L'ex-ministre péquiste n'a plus rien à perdre, ni à gagner. Elle dit ce
qu'elle pense. Ses paroles ont rapidement fait le tour des
réseaux sociaux, on a tantôt félicité sa franchise, d'autres ont maudit sa verve quand elle a traité Jean Charest de «
Trou de cul». La division ici, comme souvent sur tout en cette province, épousait les inclinaisons politiques habituelles.
Vous ne serez donc pas surpris si je vous dis que j'ai été plutôt
d'accord. Charest a surtout carburé au mépris pendant son règne, et ce
n'est certainement pas le type d'adversaire politique pour lequel on
éprouve du respect. De l'incident entre lui et Elsie Lefebvre jusqu'à sa
pathétique tentative de réélection de 2012 sur fond de chaos social
fomenté par pur opportunisme électoral, il y a peu à retenir de cet
homme et l'Histoire le jugera sévèrement.
Souvenons-nous que des centaines de milliers de Québécois de toutes
inclinaisons politiques ont investi la rue comme on ne l'avait vu ici
depuis des années pour quelle raison déjà? La hausse des frais de
scolarité au départ, mais le ras-le-bol de sa gouvernance ensuite.
«Il y a actuellement une fausse neutralité à Radio-Canada...»
Et pourtant, quand on écoute certains médias (la majorité en fait),
on pourrait croire que la province de Québec est à feu et à sang, que la
population est en proie à des manifestations quotidiennes de haine, de
xénophobie, par une armée de «pure-laine» assoiffée de vengeance contre
«les autres», que les familles sont divisées comme jamais peut-être
sinon 1995, on nous prédit le chaos à coup d'éditos de chroniqueurs
politiques en tout genre (surtout hostiles à la Chaaaaaarte!!!!
Bouuuu!). Oh que ça va brasser à partir du 14 janvier, date du début des
consultations publiques sur le projet de loi 60.
On connaît le procédé, investir le discours médiatique en brandissant
la menace de dérapages associée à ce «faux débat» comme le disait
encore
Yves Boisvert au micro de Marie-France Bazzo
lors de son débat bi-hebdomadaire avec Mathieu Bock-Côté. En
nourrissant ainsi systématiquement, et le plus souvent, une fausse-peur
pour discréditer le fait même de tenir une discussion sur la laïcité, on
tente ainsi de faire dérailler tout le processus. Ajoutons à cela le
recours à toutes les voix discordantes possibles au sein du mouvement
souverainiste. La réalité c'est que les médias ouvertement hostiles au
projet péquiste déterreront jusqu'au dernier souverainiste qui pourrait
être instrumentalisé contre la laïcité, ce que répondait justement
Bock-Côté à Yves Boisvert lors du même débat.
Pourtant, quand je compare
la situation
actuelle à celle qui avait cours pendant les quelques 100 jours de
troubles de la GGI (ou du Printemps érable), je vois plutôt matière à se
réjouir. Charest a mis le Québec sans dessus dessous pour une hausse de
1625$ des droits de scolarité! La méchante Pauline Marois et son
ministre Bernard Drainville engagent le Québec dans une réflexion
capitale quant à son avenir sociétal, plus encore quant à son adhésion
même au multiculturalisme canadien, et le tout se passe plutôt bien. Il y
a eu des manifestations de part et d'autre, pas de débordements le
moindrement comparables à ce qui s'est produit au printemps 2012.
Les débordements, on les trouve à la même place que d'habitude en fait. Jeudi matin encore par exemple, dans le
National Post, toujours en première ligne quand vient le temps d'écumer le mépris.
«It's possible that these developments will be welcomed
by ardent separatists. Driving out "les autres" serves their fantasy of a
purer Quebec, filled with people speaking the local dialect in the
correct accent, with family ties reaching deep into the provincial soil,
unsullied by the taint of links to other, alien provinces.»
Il est possible que ces développements soient applaudis par les
séparatistes ardents. Faire la Chasse aux «autres» sert leur fantasme
d'un Québec plus pur, rempli de gens parlant le dialecte local dans le
bon accent, avec des liens familiaux profondément enracinés dans le sol
provincial, jamais teinté par la souillure de liens vers d'autres
provinces, exotiques.
Ce qui est absolument fascinant c'est qu'on puisse écrire de telles
inepties où l'on associe allègrement les souverainistes aux nazifiantes
dérives de la «race pure». C'est devenu banal. Ma prétention demeure que
cette banalisation du mépris est beaucoup plus dangereuse pour le tissu
social de notre province que toute déclinaison d'une Charte de la
laïcité que présentera Bernard Drainville.
D'ailleurs, je terminerai ce premier texte de l'année ici en pointant
une incohérence à corriger quand on traite de la charte de la laïcité.
Trop souvent on parle de la «Charte» comme d'un projet accompli,
inaliénable, final. Pourtant, s'il est une chose que même certains
détracteurs de la laïcité ont reconnu dans la démarche du ministre
Drainville, c'est justement qu'il ait fonctionné par étapes. D'abord le
dépôt d'un document comme base de discussion en septembre dernier
accompagné de ressources afin de compiler les réactions citoyennes. Déjà
cette première étape a permis de réajuster le tir concernant certaines
incohérences manifestes au projet de départ: les exemptions pour les
élus ou le droit de retrait de certaines institutions.
Reste maintenant les consultations publiques qui débuteront le 14
janvier prochain. Qu'on laisse les parlementaires faire leur travail.
Ils entendront les plus de 200 représentations, il y en aura pour tous
les goûts. Nous jugerons de l'arbre à ses fruits! Après avoir entendu
l'ensemble de ces représentations, le ministre Drainville accouchera du
texte final et c'est à ce moment précis qu'on pourra juger de la «Charte
de la laïcité». Drainville ne convaincra pas les orthodoxes du
multiculturalisme «canadian» mais là n'est pas le but non plus...
vu ici