mardi 11 avril 2017

« Ça allait bien avant de me marier »


WOWWW!!! Le gros bon sens...
C'est rare que je m'énerve mais là, l'éléphant n'est pas assez gros dans le magasin.
Merci Xuan pour ce lien de la Presse.
Lolo
Le parcours de
Sivaloganathan Thanabalasingham
11 octobre 2004
M. Thanabalasingham arrive au Canada à Vancouver, en demandant le statut de réfugié politique.
2005
Le statut de réfugié politique lui est accordé.
24 février 2007
Il devient résident permanent du Canada.
5 décembre 2011
Première arrestation pour violence conjugale.
2 janvier 2012
Deuxième arrestation pour violence conjugale.
30 mai 2012
Troisième arrestation pour violence conjugale. Il reste détenu.
29 juin 2012
Il plaide coupable et obtient sa remise en liberté en attendant le prononcé de sa peine.
11 août 2012
Sa femme meurt égorgée, il est accusé du meurtre.
11 janvier 2013
Il reçoit sa peine pour les dossiers de violence conjugale.
6 avril 2017
Le juge Alexandre Boucher décrète l’arrêt du processus judiciaire dans le dossier de meurtre.
10 avril 2017
Date prévue pour le début du procès. L’homme se retrouve plutôt devant la CISR.
Actualités

« Ça allait bien avant de me marier »

L’accusé de meurtre libéré par l’arrêt Jordan a comparu hier devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

L’homme qui a échappé à son procès pour le meurtre de sa femme en raison de l’arrêt Jordan, la semaine dernière, fait maintenant l’objet d’un avis d’expulsion au Sri Lanka.
Il peut le contester et les procédures prennent des années. Pour l’instant, il reste détenu, mais cela pourrait changer dès jeudi. « Je n’ai jamais rien fait de mal. Tout allait bien avant de me marier », a soutenu Sivaloganathan Thanabalasingham alors qu’il comparaissait hier devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR).
« C’est arrivé une journée, c’est arrivé juste avec une personne. Je m’entends bien avec les gens. Je n’embête pas les gens, et les gens ne m’embêtent pas », a fait valoir l’homme de 31 ans, dans le cadre de cette première audience devant la CISR.
M. Thanabalasingham est arrivé sans menottes, escorté par des agents. L’audience pour enquête et révision de détention a duré environ trois heures.
« L’éléphant dans la pièce, c’est qu’une personne est morte, et vous n’avez pas dit que vous ne l’avez pas tuée, alors que vous aviez l’occasion de le faire. »
— La commissaire Diane Torrdof
« On n’est pas dans une cour criminelle, je ne peux pas dire que vous êtes coupable de meurtre. Mais ce que j’ai devant moi montre un pattern de violence conjugale. Je ne sais pas ce qui vous a provoqué dans le passé. Je ne sais pas si, dans le futur, une autre relation pourrait arriver à ce résultat », a ajouté la commissaire.
Elle a également relevé que vendredi dernier, jour où il a eu un premier entretien avec un représentant de l’immigration, il n’avait pas manifesté de remords pour les voies de fait commis à l’égard de sa femme. Quand on lui a demandé avec quelle arme il l’avait frappée, il a répondu de le lui demander à elle, alors qu’elle est morte il y a presque cinq ans.
Le frère
Le frère aîné de M. Thanabalasingham a également témoigné. Il n’est pas au courant de tous les détails, mais il sait que son frère était en prison « pour avoir tué sa femme ». Il se dit prêt à prendre son frère chez lui et à le surveiller. Il peut mettre de l’argent en garantie, provenant de deux immeubles qu’il possède avec sa femme. Mais voilà, celle-ci n’était pas présente, hier, et la commissaire ne pouvait être certaine qu’elle y consentait. Elle a refusé d’accorder la liberté, mais une autre audience est fixée pour jeudi.
M. Thanabalasingham n’était pas citoyen canadien quand il a commis des voies de fait à l’égard de sa jeune femme, Anuja Baskaran, en décembre 2011, ainsi qu’en janvier et en mai 2012. Il était résident permanent. Il a été condamné à cinq mois de prison.
Hier, la commissaire a indiqué qu’une peine de moins de six mois permettait de faire appel de son avis d’expulsion.
Délais déraisonnables
Rappelons que le procès de meurtre de M. Thanabalasingham devait commencer lundi, à Montréal, avec le choix du jury. Jeudi dernier, le juge Alexandre Boucher a décidé de mettre fin au processus, comme le demandait l’avocat de la défense, Joseph La Leggia, pour cause de délais déraisonnables. Cette requête s’appuyait sur l’arrêt Jordan, rendu l’été dernier par la Cour suprême, qui limite à 30 mois les délais pour être jugé en Cour supérieure.
Dans le cas présent, le délai était de 57 mois depuis l’arrestation. Le juge Boucher a attribué la responsabilité de presque tout le délai à la Couronne et au système de justice. Et il a conclu que le délai de transition ne pouvait pas excuser tous les délais institutionnels, dans toutes les causes.
La Couronne n’a pas encore décidé si elle fera appel du jugement Boucher, nous a-t-on indiqué au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales, hier matin.
Extraits de ce que M. Thanabalasingham a dit : 
« Je ne suis pas violent… Elle a tout inventé. »
« Ma vie allait bien avant de me marier, je vivais bien. Je travaillais, j’avais acheté un appartement, une voiture, je payais mes taxes et tout. Après, je me suis marié, et c’est arrivé. »
« Maintenant, je suis libre, je suis OK. Je vais acheter une maison, faire des affaires, maintenant, je suis OK. »
« La violence contre les femmes est inacceptable. Avez-vous des remords, vous sentez-vous mal pour ça ? », lui a demandé la commissaire.
« C’est sûr que je me sens mal pour ça, j’ai fait cinq ans de prison. »
Arrêt Jordan : Ottawa promet d’agir
La ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a assuré vouloir travailler étroitement avec les provinces en vue de régler les conséquences de l’arrêt Jordan, notamment la libération d’un accusé de meurtre, Sivaloganathan Thanabalasingam, la semaine dernière au Québec. Une rencontre fédérale-provinciale est prévue à la fin du mois. « Il n’y a pas une solution unique aux délais dans les tribunaux, et nous allons nous assurer de faire tout ce qui est possible pour nous coordonner », a indiqué la ministre en marge de la Chambre des communes. Une certaine confusion semble toutefois persister par rapport au nombre de sièges de juge vacants au Québec. La ministre de la Justice dit en avoir dénombré 6, alors que la province réclame 14 nouveaux postes. Le député bloquiste Xavier Barsalou-Duval a estimé qu’Ottawa faisait preuve de « négligence » en ne nommant pas plus vite de nouveaux juges à la Cour supérieure du Québec.
— Maxime Bergeron, La Presse

dimanche 19 février 2017

De la nécessité d’une charte de la laïcité

http://www.ledevoir.com/
18 février 2017 | Jocelyne St-Arnaud - Professeure associée au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, et chercheuse associée au Centre de recherche en éthique (CRE)
Jacques Nadeau Le Devoir Proposer la laïcité comme fondement du pluralisme permet d’éviter l’arbitraire du cas par cas.

Proposer la laïcité comme fondement du pluralisme permet d’éviter l’arbitraire du cas par cas.Il est évident que la charte des valeurs divise. Le principal argument invoqué par ses opposants consiste à dire qu’elle est discriminatoire. Le fait d’avoir lié politiquement les valeurs exposées dans la charte spécifiquement au Québec et à un parti nuit à la compréhension des valeurs qui y figurent et laisse croire que ces valeurs sont celles des Québécois de souche, qu’elles sont liées à son histoire et à sa culture. Pourtant, il n’en est rien. La valeur qui y est fortement affirmée est celle de l’égalité hommes-femmes. Cette valeur n’est pourtant pas spécifiquement québécoise, elle est mise de l’avant par toutes les sociétés qui ont brisé avec la tradition paternaliste qui prévalait au Québec jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle sous la montée du féminisme. Le paternalisme sociétal a été étroitement lié et soutenu par les religions. La religion catholique, très présente dans l’histoire du Québec, est toujours très paternaliste, refusant aux femmes l’accès au sacerdoce et par là, à la hiérarchie institutionnelle. Le principe d’égalité entre les hommes et les femmes n’est donc pas lié à la tradition québécoise, pas plus qu’aux sociétés basées sur les valeurs traditionnelles qui renforcent leur pouvoir au moyen de la culture religieuse.

L’égalité hommes-femmes peut se définir par un accès égal aux postes et aux emplois et par des salaires égaux pour une même tâche. Dans la charte des valeurs, elle est interprétée dans le but de promouvoir une société laïque qui apparaît comme le seul moyen de définir un espace civil et par le fait même de respecter toutes les religions. Le Québec a connu dans le passé l’union du politique et du religieux, mais la Révolution tranquille des années 1960 a clairement établi la distinction et la séparation entre la sphère privée, lieu où les individus peuvent pratiquer leur religion comme bon leur semble, et la sphère publique, lieu où s’exercent les rôles citoyens.

Depuis les révolutions française et états-unienne qui sont à l’origine de la création des chartes, ce qui est promu dans l’espace public, c’est le principe d’égalité devant la loi. Ce principe garantit une égale protection de la loi pour tous les citoyens. La charte des valeurs vise à définir un espace laïcque dans lequel tous les citoyens de toutes origines pourront évoluer sans une discrimination qui serait basée sur la culture ou la religion.

Le rôle de la charte de la laïcité
Proposer la laïcité comme fondement du pluralisme permet d’éviter l’arbitraire du cas par cas, utilisé jusqu’à maintenant par les tribunaux pour juger de la pertinence des accommodements dits raisonnables. En effet, les tribunaux canadiens ont donné raison aux revendications basées sur des motifs religieux, que ce soit le kirpan à l’école ou le niqab (voile intégral) au tribunal. Ces jugements entraînent de l’iniquité envers les autres citoyens. Pourquoi un jeune homme porterait-il le kirpan à l’école alors que les armes blanches y sont prohibées ? Pourquoi une musulmane porterait-elle le voile intégral pour témoigner contre son agresseur ? Toutes les victimes ne souhaiteraient-elles pas en faire autant ? En faisant des exceptions aux règles établies pour des motifs religieux, les juges introduisent une inégalité devant la loi (ou devant la règle institutionnelle) et de la discrimination envers les autres citoyens. En effet, les cas qui font jurisprudence créent de nouvelles catégories institutionnelles qui autorisent un traitement différent pour des personnes sur la base d’un critère religieux. Si la nouvelle règle institutionnelle est appliquée de manière impartiale, tous les jeunes sikhs qui veulent porter le kirpan à l’école peuvent maintenant le faire ; de la même manière, toutes les musulmanes portant le niqab peuvent témoigner devant le tribunal en ayant le visage couvert.

La religion ne saurait redevenir un critère fondant une règle institutionnelle, parce que les critères qui servent à la création d’une classe institutionnelle doivent être pertinents au regard du but poursuivi. Si la raison de ne pas porter d’arme à l’école concerne la sécurité, cette raison est bafouée par le jugement qui utilise le motif religieux pour apporter une exception à la règle ; la religion n’est pas un critère pertinent au regard d’une nouvelle règle ou même d’une exception à la règle institutionnelle. La même réflexion vaut pour le port du niqab. Si chacun demandait des modifications aux règles institutionnelles en fonction de sa religion, voire de sa culture, les institutions deviendraient ingérables.

La charte de la laïcité a donc pour but d’affirmer le caractère laïque des institutions de l’État, parce que c’est la seule façon de créer un espace civil où chacun peut évoluer sans brimer les autres et sans être brimé lui-même. Si ce qui précède se justifie rationnellement et éthiquement, la laïcité en matière de règles institutionnelles peut permettre le respect du pluralisme des valeurs, alors que le respect du pluralisme ne peut en soi constituer un principe intégrateur ni fonder des règles institutionnelles sur des caractéristiques communes comme condition d’un vivre-ensemble harmonieux.